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lundi 29 octobre 2012

Bagdad-Jérusalem, À la lisière de l’incendie par Salah Al-Hamdani et Ronny Someck

Editions Bruno Doucey
Édition trilingue : hébreu – français – arabe
Traduction : Michel Eckhard Elial pour les textes en hébreu
Isabelle Lagny et Salah Al Hamdani pour les textes en arabe



« Tu murmures en hébreu à propos de Bagdad
des mots émigrés de mon cœur
nuée de tourterelles
vers des îles inconnues »
Salah Al Hamdani


Photo par Dominique Lancastre

Vidéo par Dominique Lancastre

 Acteur et metteur en scène, il a joué dans plusieurs films au cinéma, notamment Le grand péril d’Arnaud Desplechin en 1983, l’Outrage aux mots de Patrick Brunie d’après un texte de Bernard Noël, en 1985. Il fut également comédien et dialoguiste du documentaire-fiction Bagdad On/Off de Saad Salman en 2002. Il avait commencé au théâtre dans les rôles d’Enkidou dans Gilgamesh, Théâtre National de Chaillot, mise en scène de Victor Garcia en 1979 ; Ahmed dans La tour de la Défense de Copi mis en scène par Claude Confortes, en 1981 ; le déterreur dans Le déterreur de Mohamed Khair Eddine mise en scène de Jacky Azencott en 1981. Il fut plus tard Walid dans Kofor Shama, avec la troupe El Hakawatti du Théâtre palestinien de Jérusalem en tournée européenne, mise en scène de François Abou Salem, 1988. Comme metteur en scène, il a adapté pour la scène des poèmes de Henri Michaux, de Yannis Ritsos (Le silence n’est pas rose, il est blanc, 1985) ainsi que ses propres textes (El Hombre Rectangulo, 1986).
Après 2000, outre sa participation à de nombreuses lectures poétiques en France et à l’étranger, il a conçu des spectacles mêlant musique et poésie :
§  avec la comédienne Frédérique Bruyas et le compositeur de luth oriental, Ahmed Muktar, Bagdad à ciel ouvert, textes de S. Al Hamdani, création au centre culturel Charlie Chaplin, Vaux en Velin en 2007 ;
§  avec Catherine Warnier, violoncelliste, Ce qu’il reste de lumière, J-S Bach et S. Al Hamdani, création au Château d’Assas en 2008 ;
§  il participe actuellement en tant que poète mis à l’honneur dans le spectacle musical en tournée nationale Orient mon amour conçu par Bruno Girard, violoniste du groupe Bratsch (2010-2012).
Il n’a cessé d’écrire depuis 1971 et est aujourd’hui auteur de plusieurs ouvrages littéraires (roman, poésies, nouvelles et récits) écrits et publiés pour la plupart en arabe ou en français. Certains textes ont été diffusés en arabe dans des journaux interdits en Irak à l’époque de la dictature.
Dans la période récente, certains de ses poèmes ont été mis en musique et interprétés par Hervé Martin (2004), Bruno Girard (violoniste du groupe Bratsch 2010), Kamylia Jubran (2010) et Roula Safar (2011).(Source Wikipédia)

dimanche 28 octobre 2012

Bulle de verre par Marie-France Séguin-Cadiche






Je renouvelle un essai, Je tente, du moins, j'essaie, D'y laisser tout ce qui me mine ; J'en ai cassé des mines, Jusqu'à ce que je termine ce livre. J'ai choisi ce sujet, Ne vous déplaise, Qu'il plaise à tous ceux qui souffrent, Et même aux autres ; Des blessures du coeur, D'amour, D'abandon et de solitude. De lassitude aussi... Il faut lâcher prise, Mener un autre combat. Il faut du temps et puis des larmes, Pour retrouver ses propres armes, Il faut trouver soi-même sa thérapie, Arrêter d écouter les : « si j étais à ta place », Et les : « tu devrais faire comme si ». Comme si le temps ne comptait plus, J'ai décidé de jeter une bouteille à la mer ; J'ai choisi de ne plus me taire.







Marie-France SÉGUIN-CADICHE est née en Guyane, de parents martiniquais.
Elle effectue sa scolarité à Cayenne puis à Marseille et revient en 1979 en Guyane et mettra fin à ses études au collège République, en classe de 4éme.
Elle tient un journal où elle y consigne son quotidien, satisfaisant ainsi son besoin de se raconter et sa soif d’écriture.
Elle effectue ensuite divers stages et expériences professionnels qu’elle qualifie de parcours en dents de scie.
Elle ne possède aucun diplôme.
Elle passe un concours et devient fonctionnaire, elle occupe un poste d’agent de service.
Déclic ou non, quelques jours après la mort d’Aimé Césaire, elle se fait connaître dans sa ville par la publication du texte « Apolo7 » qui est une balade en bus à mi-campagne jusqu’à la gare routière.
La seconde publication de texte « Centre Socioculturel » a lieu lors de l’inauguration  de celui de la ville.
Elle fait partie d’une chorale « La Cantoria » et participe à quelques concerts, mais c’est l’écriture qui prendra le dessus.
Fin 2010, son premier essai de poésie « Seule, je m’en Vaires sur Marne « voit le jour, aux éditions Persée.
En mars 2011, elle participe à son premier Récital Poétique et déclame un texte de sa composition « Dédicace à plume « accompagnée au piano par la musique d’Érik Satie – Gynopédies.
Début 2012, « Bulle de verre », son second ouvrage de poésie voit le jour, toujours aux éditions Persée.
En mars 2012, second Récital Poétique avec « Les dits de vergne » où elle déclame son texte « Élixir d’amour ».
Elle aime le style poésie-slam, utilise les jeux de mots et un brin d’humour dans ses écrits, histoire de pimenter ses récits et de taquiner quelque peu le lecteur.
Bien que l’écriture d’un roman ne soit pas à l’ordre du jour, un troisième ouvrage est en cours…


samedi 27 octobre 2012

Les Doutes par Imasango




Je fais escale
Sur  les doutes
Accrochés
A l’encre rêche
Stagnant au cœur
Du rapt
De notre histoire

Je fais escale
Sur les doutes
Etourdis
D’aléas sur falaises
De questions où
Glisse
Le temps qui cherche

Je fais escale
Sur les doutes
Retenus à l’écho
Des absences mutilées
En suspens
Pour narguer les amarres

Dès l'aube
Je pars
Quand vient le doute
Je ferme la porte
Tout doucement.

(Pour 
tes
mains
sources
********Imasango Editions Bruno Doucey)

mardi 23 octobre 2012

Prix Casa de Las Americas (discours d'Ernest Pepin)


DISCOURS PRONONCE A L’INSTITUT CUBAIN DU LIVRE (Aout 2012)

Je  ne remercierai jamais assez l’Institut Cubain du Livre et Casa de las Americas de m’avoir invité à venir présenter mon roman Requiem pour Marie-Solitude dans des circonstances aussi prestigieuses.

Je ne remercierai jamais assez le Président Retamar, la Vice-Présidente Yolanda Wood, ma sœur Nancy Morejon pour l’attention fidèle qu’ils portent à mon œuvre et pour l’affectueuse amitié dont ils m’honorent.

Je ne remercierai jamais assez Lourdes qui s’est investie avec passion et rigueur dans un travail de traduction dont nous voyons aujourd’hui le brillant résultat.

Je ne remercierai jamais assez Cuba la fière qui s’est battue et qui se bat encore pour que la justice sociale, l’émancipation de l’homme et de la femme, la culture et les arts deviennent des acquis concrets et des victoires quotidiennes.

Je dis cela avec toute l’émotion du jeune homme que j’étais lors de mon premier séjour, à l’occasion des manifestations organisées pour CARIFESTA.
Ebloui, j’admirais les phares qu’étaient Roberto Retamar, Nicolas Guillen, Juan Bosch, Rex Nettleford, René Depestre, Alejo Carpentier, Haydée Santa Maria et tant d’autres. J’ai même eu l’occasion, grâce à Edouard Glissant, de me rendre à une invitation solennelle au Salon des ambassadeurs, à Havana libre, où j’ai salué, tétanisé par cet honneur, Fidel Castro en personne.
Je n’oublierai jamais mes premiers pas dans le bâtiment de Casa de las Americas. Je ne savais pas encore qu’il y en aurait beaucoup d’autres qui me conduiraient à d’exaltantes manifestations.

Le jeune homme s’est vu décerner, à deux reprises, le Prix Casa de las Americas.

Le jeune homme a rendu visite à la veuve d’Alejo Carpentier.

Le jeune homme a participé à la Feria del libro.

Le jeune homme a participé, à Santiago, au Festival du feu.

Le jeune homme a été invité par la télévision cubaine à commenter le retour des cendres de Che Guevara.

Le jeune homme a donné de nombreuses conférences à la Havane.

Le jeune homme que j’étais a tissé des liens forts avec Cuba. Liens qui me valent l’honneur de publier des articles ou des poèmes dans la revue de Casa de las Americas et de d’être édité, ici à Cuba. C’est un parcours qui prouve que j’ai toujours accompagné Cuba et que Cuba m’a toujours accompagné.

Et c’est en signe de gratitude, de respect et d’affection que j’ai tenu à ce que Roberto Retamar soit invité à la 2ème Conférence des Ecrivains de la Caraïbe, organisée en Guadeloupe, comme Président d’Honneur. Roger Toumson et moi-même nous lui devions cela.

Me voilà aujourd’hui écrivain consacré, riche de tant d’histoires et des plus belles amitiés.
La grande leçon que m’a enseigné Casa de las Americas est que la Caraïbe existe avec ses peuples, ses cultures, ses tourments et ces espérances. La grande leçon c’est que par-delà la diversité des situations historiques et sociales, il existe une Caraïbe des Caraïbes et c’est l’âme caribéenne. Nous l’avons appelée négritude. Nous l’avons appelée réalisme merveilleux. Nous l’avons appelée antillanité, créolité, créolisation, et Edouard Glissant, avant de nous quitter a légué l’expression de tout-monde.

Un des aspects du tout-monde c’est la mer. La mer dont les racines sont sous-marine mais qui ressoude notre âme et unit nos destins.
Et c’est pourquoi aucun pays de la Caraïbe ne m’est étranger ou indifférent. Je suis chez moi, avec moi, dans mes îles à cyclones, mes îles à volcans, mes îles musiciennes. Je sais que la mer est notre conte commun que tisse chaque vague. Je sais que nos histoires sont des histoires métisses et je porte dans mon unique bagage l’imaginaire des îles de la Caraïbe. Imaginaire des souffrances de l’esclavage. Imaginaire des révoltes et des révolutions. Imaginaire de nos chemins aveuglés par le soleil. Imaginaire de nos aliénations si bien analysées par Frantz Fanon. Imaginaire de nos luttes. Imaginaire de nos peuples arc-en-ciel. Imaginaire de cette magnifique odyssée que chante la Caraïbe.

Et, s’il est dans la Caraïbe, des pays qui ont le plus donné c’est Cuba et c’est Haïti.
Voilà pourquoi j’ai voulu écrire Requiem pour Marie-Solitude. Voilà pourquoi je suis si fier que ce roman soit édité et diffusé à Cuba.
Tout comme j’ai une longue histoire cubaine. J’ai une longue histoire haïtienne.
Haïti m’a été révélé par Aimé Césaire et par Alejo Carpentier.

Haïti m’a été offert par Jacques Roumain, Jacques Stephen Alexis, Frankétienne, Anthony Phelps, Lionel Trouillot, Gary Victor, Chauvet, Lilas desquiron.

Haïti coule dans le sang de mon histoire.

J’entends son héroïsme premier. Je souffre de ces détresses présentes et j’ai foi en son avenir.
Je n’ai jamais cru qu’Haïti était pauvre car la vraie pauvreté est celle du cœur de l’homme.

Le colonialisme est une pauvreté. L’impérialisme est une pauvreté. La soi-disant mondialisation est une pauvreté.
Comment veut-on me faire croire qu’un peuple qui peint, qui danse, qui chante, qui cuisine, qui écrit, qui pense. Le tout avec un énorme talent ! Comment veut-on me faire croire que c’est un peuple pauvre ?

Nous ne sommes pas des peuples pauvres. Nous sommes des peuples contrariés, opprimés, dépouillés. Et ceux qui se croient riches devraient avoir honte de leurs richesses.
Je le dis surtout pour les jeunes !

Les jeunes de mon pays, comme beaucoup de jeunes du monde, sont bombardés par des images, matraqués par des sons, par des slogans publicitaires, détournés par l’imaginaire de la consommation et sous l’effet de ce conditionnement que ce sont là les racines de la vraie vie.

Mon but n’est pas de plaider pour la misère matérielle. Mon but est de plaider pour l’équilibre, la modération et surtout l’humanité de l’homme. Je crois que ni l’honneur, ni la dignité, ni le respect, ni l’épanouissement ne s’achètent pas.

Voilà pourquoi j’ai écrit Requiem pour Marie-Solitude. Comme une méditation sur Haïti et sur la Caraïbe.
On y voit une fille, Régina, kidnappée parce que ses ravisseurs croient qu’elle vient d’une famille aisée. C’est une jeune mulâtresse, fille d’un prêtre blanc qui s’est suicidée à sa naissance et d’une beauté noire issue de la pauvreté : Marie-Solitude. Et bien sûr, Marie-Solitude, bien que mariée, va livrer seule un combat sans fin pour faire libérer sa fille. C’est à travers ce combat qu’elle revit l’histoire passée et présente d’Haïti avec ses croyances, ses dominations et ses aspirations. Tout cela selon une poétique caribéenne qui entrelace conte, récit, réminiscences historiques.
Vous l’aurez deviné, Marie-Solitude incarne Haïti. Elle est la métaphore d’Haïti.

A mon humble avis, la question raciale imposée par l’époque de l’indépendance haïtienne a lourdement hypothéquée la révolution haïtienne en engendrant plus tard le noirisme et Duvalier.
Autant de considérations qui avec l’éloge de la femme - qui, même écrasée, s’habille de courage et de dignité – fondent ce roman.

Je vous laisse juge de son intérêt, de sa poétique et de son écriture.
Aussi tragique soit-il, je l’ai écrit avec un immense amour pour Haïti c’es-à-dire pour nous-mêmes.

Je pense que la littérature est un des arts où l’être humain met totalement en jeu sa condition d’homme parce qu’elle met en scène la parole et parce qu’elle est éminemment sociale. C’est une contribution majeure et totale qui a l’ambition d’interpréter ou de réinterpréter notre présence au monde. Entre la littérature et l’homme il y a le réel et c’est parce qu’il y a l’opacité du réel que nous avons besoin d’imaginaire. C’est pourquoi je ne crois pas aux littératures limpides qui prétendent tout élucider parce que la vie n’est pas élucidable. La littérature, selon moi, est une invitation à dépasser les réponses toutes faites, à chercher sous le sens figé un autre sens plus humain et plus libre.

Le Cahier d’un retour natal est imprévisible, Alejo Carpentier est imprévisible, Jacques Stephen Alexis est imprévisible et Saint-John Perse est imprévisible.

J’appelle imprévisible, la formulation, le souffle, ce qui fait du mot une résonance, de la phrase une portée et de l’œuvre un soulèvement.
Je ne sais pas si j’ai atteint cet imprévisible. Je sais seulement que l’Institut cubain du livre et Casa de las Americas ont donné l’hospitalité à mon roman. Je souhaite que désormais j’appartienne aussi à la littérature cubaine.

Ernest Pépin
Prix Casa de las Americas





KA NA SU TRA par James Noël

http://ventsdailleurs.fr/index.php/catalogue/item/kana-sutra?category_id=5



Mélange de poèmes et d’aphorismes, Kana sutra est un ouvrage témoin du temps du voyage de James Noël. Voyage en Nouvelle-Calédonie où le chemin kanak lui a insufflé sa part d’ailleurs, voyage de coeur à corps entre voluptés et phantasmes, voyage intérieur enfin, ou l’adulte s’interroge sur sa part d’enfant. Un livre de transition, où James Noël ose un peu plus la prose, un peu plus l’engagement.(Source amazon).



Photo source facebook auteur



James Noël naît le 17 mars 1978 à Hinche (Haïti). Il suit des cours d’ethnologie, étudie les arts dramatiques au Petit Conservatoire avec le comédien Daniel Marcelin et suit des cours d’histoire de l’art à l’Institut français d’Haïti. Poèmes à double tranchant / Seul le baiser pour muselière, le premier recueil de poésie de James Noël, est préfacé par Frankétienne qui écrit : « Émergeant de l’abîme, le primordial écho des textes du jeune écrivain James Noël dont la précoce maturité m’a saisi du premier coup. / Aucune approche critique et nulle raison explicative susceptible de justifier mes émotions et mon aval spontané, hormis la profonde certitude que les Poèmes à double tranchant portent la sève inaugurale de l’aube future, le sel miraculeux d’une aventure poétique féconde ». Vents d’ailleurs a publié Le sang visible du vitrier en 2009 avec un beau succès pour un ouvrage de poésie (1 200 exemplaires vendus).(Source Amazon)

Vidéo découverte








Autres ouvrages

Editions Vents d'Ailleurs
Editions Bruno Doucey

lundi 22 octobre 2012

La vie à pile ou face...ou le goût des Autres par Marie-Andrée CiPRUT


http://www.rts.ch/la-1ere/programmes/rien-n-est-joue/4008266-rien-n-est-joue-du-04-06-2012.html



Ce récit tente de raconter, au rythme d'un calendrier imaginaire, un condensé de ressentis, d'actions, de réactions aux rencontres, d'éléments prévisibles et inattendus ayant jalonné sur dix ans la réalité de mes jours marquée par l'inconscient de mes nuits. Quelques huis de mon parcours vital dévoileront sous forme d'allers-retours dans l'Entre-deux, l'envers ou le décor d'événements personnels et/ou politiques fondamentaux qui ont changé le cours des choses, de voyages intérieurs et extérieurs, de migrations, d'acculturations et d'échanges, ornés de joies côté face, parsemés de douleurs côté pile... Une existence de funambule jonglant sur les frontières. 
Pile ou face, le jour face à la nuit; pile, l'enfance, face, la maturité. 
Pile, la mort; face, la vie, ou le contraire, comme toutes les vies, de janvier à décembre, de mois en mois, une vie à pile ou face.(Source amazon)

http://www.ibisrouge.fr/auteur.php?id=247

Marie-Andrée Ciprut, psychologue FSP (Fédération Suisse des psychologues), psychologue-psychothérapeute, ancienne responsable clinique, jongle avec l'Interculturel depuis son plus jeune âge. 
Membre des conseils d'administration de plusieurs associations telles le Club culturel Franco-Caraïbe et l'AGRAF (Association Gessienne contre le racisme et le fascisme), Marie-Andrée CIPRUT est aussi l'auteure de plusieurs ouvrages, dont Flore de femmes chez le même éditeur.(Source amazon)

Vidéo découverte:






dimanche 21 octobre 2012

Conférence sur le dorlis par Ernest Pepin


Photo par Bob Remy Ernest Pépin scrutant la rivière Potomac
  Washington USA
Chers amis,

Je remercie mon amie Annick Justin Joseph de m’avoir invité à participer à la cérémonie d’ouverture du Cénacle en ma qualité d’écrivain.
Je vous remercie également cher public de me faire l’honneur et le plaisir de venir m’écouter.
Dans le cadre du thème général « Imaginaires Insulaires », il m’a été proposé de me livrer à une approche comparative du phénomène du « dorlis » au niveau de la Guadeloupe et de la Martinique.
Je dois tout d’abord vous faire part de l’embarras qui est le mien pour la bonne et simple raison qu’en Guadeloupe le phénomène du « dorlis » n’existe pas au niveau des croyances populaires. C’est en quelque sorte de manière abusive que l’on a assimilé « L’homme-au-bâton » à un dorlis.
Force m’est donc de contourner la difficulté en détournant le sujet à partir d’un questionnement que je formulerai de la manière suivante : A quoi correspond dans la psyché martiniquaise le phénomène du dorlis et quel écho rencontre t-il en Guadeloupe ?
Il est évident qu’il ne sera pas question ce soir de savoir scientifique mais, au contraire, de modestes hypothèses fondées sur une pensée résolument spéculative.
Je crois, en effet, qu’il faut pour tenter de répondre à la question posée explorer le cadre psycho historique qui engendre le dorlis comme production de l’imaginaire dans une culture donnée.
Ce cadre renvoie inévitablement à l’esclavage, à l’univers de la plantation et également à cette part de syncrétisme qui allie le christianisme au magico religieux africain.
Nous savons que l’esclave est un être humain dépossédé de son humanité, ravalé au rang d’objet, surexploité dans des conditions atroces et surtout privé de tout pouvoir excepté celui d’en référer à des puissances symboliques ou surnaturelles.
Cette condition d’une domination totale va lui imposer de se livrer à une reconquête de lui-même, par le détour des croyances et des pratiques, afin de rendre valide et cohérent un monde qui l’exclut. Il est au sens propre du terme un déchu, tombé du ciel de l’avant, et qui n’a de cesse de réinventer un possible paradis en s’érigeant en rival de Dieu. J’appelle Dieu l’ordonnancement colonial où la notion de malédiction est au cœur du système. Le nègre, selon la légitimation des maîtres, est maudit et exempt de toute rédemption et de tout rachat.
Par ailleurs, l’un des attributs suprême de la condition humaine lui est refusée puisqu’il n’a ni la maîtrise de sa sexualité ni celle de sa postérité. L’horizontalité des liens familiaux et la verticalité d’une projection dans la lignée semblent ne pas être à sa portée du fait même de la toute-puissance du maître.
Rien là que de très banal me direz-vous, mais c’est le contexte fondateur d’où va émerger le dorlis comme réponse à une angoisse existentielle et comme irruption d’une transgression réparatrice.
Il faut imaginer une société où la femme non seulement est la proie du désir du maître (désir qui ne l’institue pas comme sujet mais qui confirme son statut d’objet) mais en plus n’a de valeur que comme force de travail et outil de la reproduction du système. Sa sexualité propre, intime et personnelle, est à tout le moins niée. Elle ne désire pas, elle est prise !
Du côté de l’homme, la situation n’est guère plus enviable. Devant l’impossible d’une fondation familiale, il ne lui reste que la fonction résiduelle de l’étalon, du géniteur irresponsable, du consommateur furtif par quoi se signale la négation de sa fonction de mari et de père. Sans compter, l’interdit majeur : le caractère intouchable, inaccessible et interdit de la femme blanche !
C’est dans ce contexte là, marquée par la castration, l’impuissance, le refoulement et plus grave, la sédimentation déstructurante d’une saisie non érotique de la sexualité que va se construire le dorlis.
Permettez-moi de m’expliquer sur l’expression « saisie non érotique de la sexualité ».
L’érotisme suppose l’existence du sujet comme valeur pour soi. Il suppose également une liberté du sujet. Il suppose enfin la médiation d’une sublimation de l’autre en tant qu’il incarne la possibilité d’un don qui excède sa personne physique.
Mais toute sublimation peut être comprise comme une transaction avec le divin. Autrement dit toute sublimation est d’essence religieuse. Or le Dieu de l’esclave est un Dieu impossible ! Ses anciennes divinités l’ont abandonné et le Dieu nouveau n’a noué aucun pacte d’alliance avec lui. C’est un Dieu qui le dé-protège et le livre dans sa nudité ontologique pieds, poings et sexe liés à l’ordre infâme de l’esclavage. Il ne peut objectivement être que du côté des esprits, des forces surnaturelles voire même du Diable.
Lesquels esprits, lesquelles forces surnaturelles sont des constructions compensatoires pour retrouver force et sens contre l’ordre établi.
Dès lors, la sacralisation de l’amour n’aboutit qu’à une impasse quasiment névrotique.
Dès lors, le décor psychique est posé pour l’entrée en scène du dorlis.
Qu’est-ce en vérité que le dorlis ?
Un être immatériel, invisible qui se joue de tous les obstacles pour se manifester comme partenaire sexuel abusif. Je dis bien « pour se manifester » car le dorlis n’existe qu’au travers de ses effets.
Le dorlis, à tout prendre, est une force qui contraint, possède (tout en dépossédant) sa victime par effraction de l’intime de son intimité. Triple effraction : celle du domicile, celle de la chambre, celle du sexe !
Du point de vue du dorlis, la victime est un être humain exalté dans sa dimension érotique. La visée n’est ni la chair, ni le sexe mais bien le déchaînement de la puissance sexuelle. Le dorlis ne se donne pas, comme pourrait le faire un amant, il réveille la part du ça « verrouillé » dans la femme.
Seul le maître a ce pouvoir terrifiant !
Je veux en venir à ceci, on peut lire le passage du dorlis comme la répétition imaginaire du viol primitif (sur le bateau négrier) et des viols successifs (sur la plantation). Viol fantasmé dont la fonction symbolique pourrait relever de la dépossession et contradictoirement de la repossession de soi. Le mal est exorcisé à l’aide d’un élément nouveau : le plaisir procuré par le dorlis.
Une ré humanisation s’opère par l’instance du plaisir, d’autant plus licite, que ce n’est plus le maître qui viole mais un « esprit » allégé de son caractère charnel. L’esprit c'est-à-dire non pas le double du maître mais l’autre du maître. Sa part non sexuée et pourtant omni sexuelle.
Le sexe : lieu par où s’opère la transmission de la vie ! Lieu où l’histoire transcende la nature ! Lieu où l’ordre devient désordre ! Lieu où est lancé le défi à toutes les barrières raciales et sociales !
Il n’est donc pas innocent que la « production » du dorlis ait comme enjeu fondamental le sexe et en particulier le sexe féminin. C’est là que se joue la guerre souterraine pour la souveraineté de l’homme noir et de l’homme blanc dans l’espace colonial.
Paradoxalement, le dorlis convertit l’impuissance masculine en une puissance féminine révélée dans son autonomie.
Je parle d’impuissance masculine car la toute-puissance du maître est un leurre pour ce qui concerne le rapport sexuel. Le maître possède un corps soumis ou rebelle, il ne possède pas la femme. L’esclave, lui non plus, n’a pas accès à la femme puisqu’il n’est pas un homme. Leur possession relève du simulacre. Je parle, bien sûr, de la possession forcée ! La femme, dominée dans son corps féminin, se reconstruit par la ritualisation d’un désir et d’un plaisir gratuit dont le dorlis n’est que la figuration emblématique. C’est ici la gratuité qui interpelle. Le but n’est pas la procréation. Il représente la création d’un surmoi aiguisé jusqu’au paroxysme. La femme ne simule pas avec le dorlis. Elle est le plaisir dans son déploiement le plus extrême ! Un plaisir imposé certes mais dans des conditions oniriques, surréalistes, qui font de lui un plaisir donné et consommé pour soi et pour soi seul. C’est un plaisir qui marque, qui laisse des traces, qui désinhibe et qui magnifie entre terreur et fascination.
Je me permets de convoquer ici le phénomène de la transe dont on dit qu’il est au cœur de nombreuses cultures africaines. La transe équivaut à un exil de soi pour mieux retourner à soi par le truchement d’un dérèglement du réel. L’initié est chevauché, possédé, réincarné, métamorphosé et en même temps le réel est bouleversé, déformé, contesté, transcendé. Il y a dans ce chaînon sémantique une piste qui nous conduit droit au dorlis. Le sexe déréalisé nie la relation quotidienne entre les hommes et les femmes pour mieux instaurer l’ordre d’une toute-puissance féminine, autrement dit une demande d’ordre qui contredit le désordre de la sexualité coloniale.
Je m’interroge en passant sur le créateur du mythe du dorlis. J’avance l’hypothèse suivante. Il s’agit d’un mythe construit par les hommes pour représenter la peur de la femme, la peur de la puissance du féminin.
Il est étonnant que le dorlis femme (le succube) n’ait pas connu le succès du dorlis dans l’imaginaire martiniquais. Son pendant serait plutôt la diablesse dont on connaît les connotations négatives.
J’invite l’assistance à creuser cet aspect de la question tant mes hypothèses sont fragiles.
Le dorlis nie l’homme, affirme son manque et sa carence et le renvoie à son évanescence. L’homme ne sera jamais à la hauteur non pas seulement comme partenaire sexuel mais comme construction de l’inconscient. Il est la faille où s’engouffre le dorlis.
Evidemment, la représentation du dorlis laisse penser le contraire. Qu’il s’agisse du véhiculé des croyances ou qu’il s’agisse des nombreuses transpositions littéraires. Au contraire, le dorlis devient le symbole d’une virilité perverse et même d’une glorification du sexe masculin. Ce discours exhibe plus qu’il ne le masque une tentative, non moins imaginaire, de résister à la peur de la castration. Peur ancestrale ! Peur universelle ! Peur comblée par la surenchère de l’omnipotence. Lorsque le réel écrase, le seul recours c’est le rêve et l’exercice de l’imagination.
Il est à noter la contradiction suivante : alors que le viol est répréhensible l’imaginaire colonial va créer un viol non délictuel puisque c’est un viol sans violeur constitué.
« Que peut la loi des vieux blancs dans un viol par sorcellerie ? » écrit Patrick Chamoiseau dans Solibo magnifique.
En effet, que peut la loi ?
Si la loi est impuissante c’est qu’elle est confrontée à une entité qui ne relève point d’elle. Il ne s’agit pas d’un viol. Il s’agit d’une croyance qui requiert l’adhésion de la victime pour qu’elle soit opérante. Il s’agit d’un acte de foi. Il y a donc co-construction d’une part par la psyché collective et d’autre part par le sujet concerné. Le dorlis ne peut s’attaquer qu’à un dorlissable ! On en arrive donc à l’impensé de cette croyance : la femme est non pas victime du dorlis mais mère du dorlis. Elle l’enfante ! Elle le constitue dans sa chair et dans sa pensée comme pièce à convictions, complice, afin de camoufler son acte. Le dorlis est le détour par lequel un inconscient ou une conscience déréalisante va rejoindre un des tabous de la condition féminine de l’époque : le droit au plaisir ! J’ajoute, le droit au plaisir pour soi sans souci du don, du partage et de la réciprocité. En clair, le droit au plaisir « masculin » dans un corps féminin. C’est cette contradiction là que va résoudre dans une structuration métaphorique le mythe du dorlis. C’est d’ailleurs pourquoi ce mythe masculin va recueillir l’adhésion des femmes dans le corpus des croyances traditionnelles.
« C’est en effet, dans le mythe que l’on saisit le mieux, à vif, la collusion des postulations les plus secrètes, les plus virulentes du psychisme individuel et des pressions les plus troublantes de l’existence sociale. » affirme Roger Caillois.
Le dorlis pose néanmoins le problème de l’enfant né sans père. L’exemple le plus célèbre est tout simplement Jésus-Christ, fils du Saint Esprit et l’exemple littéraire est celui de cet enfant dont le père est De Gaulle. Nous nous trouvons manifestement dans le cas de la filiation impossible. La vierge ne peut avoir péché ! L’enfant exceptionnel ne peut avoir de père, ou ne peut avoir qu’un père de substitution. L’enfant du maître, en dépit des exceptions n’a pas de père. L’enfant né de l’inceste ne peut avoir de père etc. Nous sommes en présence d’un père caché, inavouable, mais dont l’existence est attestée par la venue au monde de l’enfant. Or ce père caché ne faut-il pas aller le déloger dans les arcanes de l’imaginaire colonial. Qui est-il ce père sinon le système lui-même armé de tous ses appareils idéologiques ? Cet ancêtre gaulois, ce béké, ce préfet, ce Roi ou ce Président de la République, cette loi incarnée, cette puissance tutélaire et négatrice. Le dorlis dit qu’il y a au-dessus du père biologique un père symbolique qui relève d’un autre ordre : l’infrahumain ou le surhumain. Un père sans corps et qui pourtant donne naissance et fait exister. Un père transcendantal responsable du malheur d’être né dans un monde voué à la mort. Un père innommable ! Un père diabolique ou divin. Ce père fabriqué de toutes pièces s’inscrit dans la filiation coloniale comme figure archétypale de la damnation ou du salut.
« Le père de mon enfant c’est Papa de Gaulle » dit Adelise dans La Vierge du grand retour.
Pour des esclaves déportés, la figure du père ancestral ne peut être que la figuration de la rupture et de la discontinuité. La présence du père réel qu’une absence et une imposture. Le père reste donc à inventer. Et c’est dans la béance des multiples contradictions de la colonisation qu’il va surgir sous la forme mythique du dorlis. Ce n’est point un père légitimant ni authentifiant, c’est un père qui inocule génétiquement la honte d’être soi. Sauf qu’il n’a pas de gêne ! Cela veut dire que nous sommes condamnés à être les pères de nous-mêmes selon les règles d’une psychanalyse écrite par notre histoire. Cela veut dire que nous serons à jamais orphelins de nos origines diverses parce qu’elles sont impossibles à assumer.
« Le mythe répond à un vide, à une interrogation de l’homme sur son destin, à l’avènement d’un au-delà qui parviendra à résoudre de toute urgence un désarroi présent » nous enseigne Claude Fall.
Quelles sont les questions posées par le dorlis sinon la question du plaisir féminin, celle de la non filiation, celle du père caché, invisible, impossible et celle de la non fondation totémique de notre société.
Et c’est pourtant de ce dorlis, que dans le forcènement nocturne de notre histoire, hanté par le goût luxuriant du péché, par l’angoisse de l’abandon, par la transgression érotique des barrières inhumaines, par la création d’une poétique compensatoire que nous naissons au monde comme peuple créole ayant reformulé les données d’un mythe universel celui de l’incube.
L’incube – mot qui vient du latin incubare (coucher sur) – est un démon (ange déchu par la luxure) qui séduit les femmes et abuse d’elles pendant leur sommeil.
Il suffit pour s’en convaincre de lire dans le dictionnaire philosophique de Voltaire les pages consacrées aux incubes.
« Ils prétendaient que le diable, toujours alerte, inspirait des songes lascifs aux jeunes messieurs et aux jeunes demoiselles ; qu’il ne manquait pas de recueillir le résultat des songes masculins, et qu’il le portait proprement et tout chaud dans le réservoir féminin qui lui est naturellement destiné. C’est ce qui produisit tant de héros et de demi-dieux dans l’antiquité. »
Caïn, l’Antéchrist, Platon, Alexandre le Grand, Remus et Romulus, Servius Tallius (roi des Romains), Merlin l’enchanteur, la fée Mélusine, Luther et les Huns ont été considérés comme des enfants d’incubes.
L’incube, comme le dorlis, ne véhiculerait-il pas la première des premières pensées du métissage : celle qui résulterait de la conjonction de l’humain avec les forces occultes du surnaturel ?
La question demeure posée !
Phénomène hallucinatoire lié à la paralysie du sommeil rationalisent des hommes de science comme le psychologue behavioriste Davide J Hufford
Hyperesthesia psycha-sexualis répondent d’autres.
Dédoublement de la personnalité risquent d’autres encore.
Projection d’un moi qui rejette, refoule, certaines de nos tendances sexuelles pour prendre la forme d’un double extérieur et persécuteur.
Le phénomène intrigue la science. Il vient en réalité de très loin. De cette matrice que Jung explorait sous le vocable d’inconscient collectif.
Tout cela signifie que le dorlis, loin d’appartenir aux grimoires de la démonologie, loin d’être un extra-terrestre ou un esprit, est tout banalement humain, trop humain. Il nous dit plus que nous le disons et le croyons.


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